vendredi 6 avril 2007

Week End prolongé

Retiro.
Gare de départ de notre bus, destination Colon, Province d’Entre Rios.
Je franchis les 200 derniers mètres avant d’atteindre la rampe qui lance le coup d’envoi des multiples départs vers la province.
200 mètres d’un marché fleurissant en tout genre. C’est le RDV des immigrés, de la canaille, des vendeurs ambulants ou fixes aux vitrines opacifiées par la crasse.
La plupart des gens y passent en coup de vent ou en sautillant comme ces demoiselles qui évitent les flaques jaunâtres en remontant leurs jupons. Les seuls qui s’attardent sur ces 200 mètres sont les vieux, gueules de quebracho, qui s’attablent sur une table en bois et avalent des litrons de bière aussi vite que la terre sèche du désert de la quebrada d’Humahuaca boit l’eau qui tombe de la gourde d’un touriste.
On croise aussi le regard de quelques jeunes qui viennent s’engloutir un pancho à 80 centavos et reluquer les demoiselles qui sautillent.
200 mètres où se côtoient fruits, churrascos, CD piratés, pochettes de téléphones portables, revues pornos et alfajores sur les mêmes étales.
Sur ces 200 mètres, les plus ambitieux font des affaires, et les plus timorés passent en trombe, agrippés à leur sac à main, comme ci c’était leur sac qui les traînait jusqu’à la gare.
Les relents de friture et de pourriture se mêlent au spectacle haut en couleur. J’atteins la rampe et me voilà projeté dans l’immense gare de Retiro. C’est le vendredi soir d’un WE prolongé, les quais grouillent de monde chargé de gros sacs, de valises et de bébés, sur le dos, sous le coude et pendus au bras. Notre bus n’est pas encore arrivé. Il est annoncé entre le quai 55 et le quai 70. Ils n’auraient pas pu être plus précis !!!
De l’autre côté de la fourmilière humaine, le ciel nous offre un fabuleux spectacle. Des nuages mousseux, comme montés en neige, apparaissent sur un ciel qui s’embrase timidement après trois jours de pluie incessante. Personne n’y prête évidemment attention.
Les bus débarquent au compte-goutte. Les départs se multiplient et les attentes s’allongent. Un bus kamikaze tente d’en dépasser un autre mais il ne franchira pas la ligne le premier. Les deux bus s’entrechoquent et l’imprudent brise une vitre et arrache un rétroviseur à son homologue encore abasourdi.
Les passagers sur le quai, d’abord éberlués, ne tarderont pas à rougir de honte et de colère, tout ça bien secoué dans cinquante même têtes fatiguées, pour exploser en un cocktail animé de passagers furieux parce qu’ ils n’arriveront pas à temps pour partager les gnocchi familiaux de fin de mois.
L’événement s’est dissolu et ça tombe très bien car notre bus entre en gare flambant neuf. Il nous toise du haut de ses deux étages et annonce Flechabus avec fierté.
Quelques minutes et nous sommes déjà à bord, avachis sur nos sièges ultra flexibles, nos dossiers arrivant quasiment sur les pieds de notre voisin de derrière.
L’élasticité de nos fauteuils invite à une sieste bien méritée qui se prolongera tard dans la nuit car nous arriverons avec deux heures de retard après avoir contourné les terres inondées par les pluies dont je vous ai parlé tantôt.
Colon.
2h15 du matin.
Mes pieds foulent les terres de cette ville pour la première fois. Plusieurs bus arrivent en même temps. Les passagers attendent sagement devant la gare, le seul taxi « servis’ » de la ville qui va et vient du centre à la gare, au rythme du chamamé que diffuse sa radio. La cigarette et les remous de sa fitito sur le pavé nous tiennent éveillés jusqu’à notre auberge de jeunesse « 3 étoiles » comme nous dit notre chauffeur content de sa plaisanterie tout à fait dans le ton de notre voyage qui s’annonce plein de surprises…

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